« Less expensive, more Human! » Voila la proposition de valeur de BedyCasa , une plateforme de consommation collaborative qui met en relation des voyageurs et hébergeurs pour une expérience chez l’habitant un peu partout dans le monde.

Si BedyCasa est « moins » cher et « plus » humain, c’est pour se différencier d’un acteur incontournable de l’économie collaborative, référence absolue de tous les speakers sur le sujet (même nous) : Airbnb.

Le point qui retient notre attention c’est que BedyCasa, ça ne date pas d’hier, le concept était présent en France bien avant l’arrivée du « bulldozer » californien.

Magali Boisseau Becerril, pionnière de la consommation collaborative en France (avant même que cela en porte le nom), est fondatrice et CEO de BedyCasa depuis plus de 8 ans à Montpellier.

En plus d’avoir été actrice et témoin de cette révolution des usages dans l’hexagone, elle a fait preuve d’un courage et d’une ténacité qui force le respect pour soutenir BedyCasa et lui obtenir une place au soleil.

Elle nous éclaire cette semaine sur le développement de la consommation collaborative au regard de son expérience et sur l’épopée BedyCasa.

Ce que vous allez apprendre

Peux-tu te présenter, nous parler de ton parcours ?

Je m’appelle Magali Boisseau Becerril, j’ai un parcours commercial, marketing, plutôt orienté international, et j’ai travaillé dans l’immobilier, l’agroalimentaire, et ma dernière expérience, c’était Pinklady (la pomme) où j’étais chargé de mettre en place un budget marketing, principalement dans les pays du sud, la Russie et le Benelux, ce qui m’a amené à beaucoup voyager. J’ai créé Bedycasa à la suite de mes voyages professionnels mais je voyageais déjà énormément étant plus jeune : voyages d’étude, linguistiques, ou pour le loisir.
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Qu’est-ce-ce que c’est Bedycasa, comment est-ce né précisément ?

Le projet est né suite à ces différents voyages mais j’avais détecté ce besoin, quand j’étais partie en Angleterre avec l’école quand j’avais 14 ans, il y avait un manque de familles d’accueil pour les élèves. De l’autre côté, beaucoup de classes ne partaient pas par manque de budget, ça créait un gap entre étudiants qui pouvaient partir ou non à l’étranger et donc améliorer leur anglais.

J’ai eu pour ma part une expérience culturelle enrichissante alors que d’autres restaient en France, donc, ça c’était le premier constat qui m’avait marqué.

Par la suite, je me suis toujours débrouillés pour partir à l’étranger et aller chez l’habitant et je me suis rendu compte que c’était un marché énorme et qu’il fallait l’organiser donc j’ai commencé par proposer à mes amis, ceux qui me logeaient gratuitement de louer leur chambre à d’autres touristes pour pouvoir augmenter leur pouvoir d’achat.

D’abord 10€, 20€, 30€, on s’est vite rendu compte, que ça pouvait permettre de payer les factures d’électricité, de se faire un restau de temps en temps, etc…

Quand tu leur as proposé ça, tu avais déjà une plateforme de mise en relation ?

Non, c’était en 2006, c’est en 2007 que j’ai créé Bedycasa. Le site internet est né en avril 2007 et juridiquement, la société a été créée en juin 2007.

Donc c’était plus chambre chez l’habitant dés le départ ?

Oui, c’était ça au départ, ensuite on a proposé les logements chez l’habitant, la chambre d’hôte, les locations insolites et les locations saisonnière. Mais ça a toujours été la chambre chez l’habitant notre cœur de cible.

Comment la société a évolué depuis sa création ?

On a toujours eu une croissance constante du nombre d’utilisateurs, nous sommes donc arrivés à 48.000 membres, et nous avons levé des fonds en 2012, 5 ans après la création de Bedycasa. Pendant les 5 premières années, j’avais déjà fait une petite levée, mais ce n’était pas grande chose, il n’y avait pas d’effectif, j’étais seule avec des stagiaires et une de mes associées qui est toujours là et qui s’appelle Estelle Zazzaron, elle dirigeait le service clients, et était stagiaire en alternance à l’époque.

En 2012, grâce à la levé de fonds on a donc pu embaucher une équipe, refaire l’intégralité du site, mettre en place le paiement, etc… tout ce que l’on devait mettre en place.
Après les 2 dernières années orientées vers l’hyper croissance, nous sommes entrés dans une logique de rentabilité pour cette année.
Aujourd’hui Bedycasa dispose de 44000 hébergeurs dans 6200 villes du monde et on a atteint 300.000 membres.

Sur l’année 2014, Bedycasa a généré 4.000.000 de volume de réservation, c’est l’équivalent de 170.000 nuités réservées.

As-tu utilisé le service à titre personnel ?

Oui, tout le temps, tous les mois, je viens à Paris et du coup, je vis dans des hébergements Bedycasa différents chaque mois et je mets ma petite note.

Quel est le business model ? % sur la transaction ?

Oui, dès le départ on a voulu mettre ce business model en place valorisant le tiers de confiance. J’avais remarqué que cela manquait, ce procédé facilite grandement les relations entre voyageurs et hébergeurs.

C’est simple, le voyageur paie la totalité du prix sur le site Bedycasa. Il n’est débité qu’au moment où l’hébergeur accepte la réservation.

Et ensuite, il n’a plus rien à payer sur place et nous, on reverse l’indemnité du logement à l’hébergeur une fois que le voyageur est arrivé, le lendemain de son arrivée exactement, après obtention du code de réservation.

Tu parlais de l’équipe Bedycasa tout à l’heure. Vous êtes nombreux ?

Alors aujourd’hui, on est 15 employés. Cependant comme dans la plupart des startups, il y a pas mal de mouvements.

Pour revenir sur les investisseurs, avant 2012 et votre levé de fond, comment le projet était-il financé ?

Des business angels sont arrivés dans le projet en 2009, sinon beaucoup de fonds propres, avant de finalement lever des fonds.

Votre site est traduit dans plusieurs langues. Comment vous gérez l’internationalisation, niveau communication ?

En fait la gestion de l’internationalisation résulte d’un choix stratégique au niveau des ressources humaines. Notre site est effectivement traduit en français, anglais, espagnol, italien, portugais, allemand, 6 langues à gérer pour deux personnes à temps plein au services clients, trois personnes à la communication pour toutes les langues, business développement également. Nous ne pouvions pas avoir des personnes dédiées par pays, on essaie de faire plus avec moins d’effectifs, d’être très agile, très efficace, très productif.

Nous avons un seul compte Facebook, Twitter pareil , on ne s’occupe pas d’un compte par pays parce qu’on ne peut pas.

Aujourd’hui, notre objectif est de rentabiliser la boîte, de ne pas embaucher à profusion comme on a pu le faire par le passé, et donc, d’être « smart » dans notre approche de l’internationalisation , parce que l’internationalisation, ça coûte très cher.

Par exemple on se rend compte que la communication en anglais est beaucoup moins rentable car plus compétitive.

C’est très compliqué, du coup il faut s’adapter, on a vraiment changé notre stratégie et on travaille avec un réseau de partenaires pour pouvoir avoir des clients étrangers et ça marche plutôt bien.

Vu que les mêmes ressources ne peuvent donc pas être allouées à tous les pays dans lesquels vous êtes présents, favorisez-vous certains pays par rapport a d’autres ?

C’est vrai que l’on est focalisé plus sur la France, l’Italie et l’Espagne, là ou nous sommes en très forte hausse, on a une forte communauté d’hébergeurs dans ces 3 pays. Après aussi l’Angleterre, Londres, Edinbourg, un peu du Dublin, les Etats Unis, surtout New York et Miami.
Et puis l’Amérique latine, l’Argentine, le Mexique, un peu la Colombie et le Pérou et surtout fortement, très, très fortement Cuba dernièrement.

On essaie de se focaliser sur nos forces et nos forces, c’est les pays latins, donc la France, l’Italie et l’Espagne. On a quand même une country manager italienne qui gère toute l’Italie car c’est vrai que les italiens sont en très forte croissance chez nous.

Ainsi on ne s’éparpille pas, on se concentre sur nos forces et on les renforce.
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Aviez-vous fait des projections sur la masse critique d’hébergeurs dont vous aviez besoin, ce genre de choses ?

Et comment avez vous géré la problématique de « la poule et de l’œuf » dans la gestion de votre plateforme qui reste avant tout un marketplace ?

On a fait des calculs qui ne se sont jamais avérés vrai, par rapport au nombre d’utilisateurs qu’il nous fallait au total pour pouvoir arriver à être rentable, et puis avoir une vitesse de croisière avec un taux de croissance stable tous les mois, etc..

Ce n’était pas une bonne stratégie, parce qu’on la voyait globalement, initialement on voulait gérer la grande masse qui venait en France, surtout les étrangers. C’était compliqué, concurrentiel, ça coûtait très cher, et puis on s’appercevait que c’était des cliques de curiosité qui ne transforment pas… Donc, on a laissé tomber cette stratégie, pour aller au plus efficace et raisonner localement.
Ne plus cibler une masse critique globale mais plutôt en se reconcentrer sur nos forces en faisant venir plus de personnes là où on est les meilleurs, c-a-d, là où on a les offres plus qualitatives, là ou il y a le plus d’hébergeurs.

Du coup, cette balance hébergeurs/voyageurs, vous la gérez localement ? et vous la rétablissez si besoin ?

Oui Exactement.

Comment vous démarquez-vous de la concurrence ? Quelle orientation voulez-vous prendre ?

Pour tout te dire j’avais fait une erreur de frappe en écrivant « Voulez-vous vous démarquez de vos concurrent ? » mais je me rends compte que la question n’est pas si bête dans ton secteur d’activité par rapport à Airbnb.

Oui cela pourrait être une stratégie, faire un copier/coller pour se faire racheter par Airbnb.
Sauf que dans notre secteur cela ne marche pas du tout, à la grande déception de beaucoup qui ont essayé, Airbnb ne rachète personne.

En ce qui concerne notre différenciation, c’est très simple, Airbnb dans leur évolution sont finalement plus orientés sur de l’appartement.

Nous on se différencie par le produit mais aussi le prix et la communication qui en découle. Nous sommes focalisés sur les chambres chez l’habitant à 30 € par personne. Et des tranches d’appartements à 90 € pour des groupes.

Après forcément on est sur les mêmes mots clés, donc là, on est en concurrence directe, c’est là que ce n’est pas évident parce que au niveau des enchères Google Adword par exemple, on ne peut pas enchérir à leur niveau. Du coup, on doit être créatif et penser à d’autres stratégies d’acquisition, se faire une notoriété, en fait on est obligé de se démarquer.

Donc, on travaille beaucoup sur la marque, on a fait beaucoup de RP, ce qui nous a beaucoup aidés, et puis on met l’accent sur la qualité du service client, car si les clients sont satisfaits, ils en parlent autour d’eux et puis ça nous amène d’autres clients, on essaie de maintenir cette qualité, de le faire bien.

Niveau assurance pour les utilisateurs, on sait que ça fonctionne bien maintenant pour un service comme Bedycasa, peut-être qu’au départ, au lancement, ça devait être dur de convaincre des assureurs.

Oui, ils avaient peur tout simplement. Ils ont commencé à s’y mettre en 2011/2012 quand Airbnb est arrivé en France, et grâce à ça, des assurances ont développé des produits spécifiques pour l’économie collaborative de façon large.

Transition toute trouvée, en quoi votre projet s’inscrit dans l’économie collaborative ?

D’abord à travers la notion de partage, le fait que les hébergeurs reçoivent chez eux, partagent leur toit avec des inconnus.

Après il y a bien sur l’aspect économique, faire des économies pour le voyageur ou générer des revenus complémentaires pour l’hébergeur. Mais surtout l’enrichissement au niveau personnel, l’aspect sociabilisation .

Discuter le soir avec l’hébergeur, prendre un thé ensemble, ça se passe très bien et tu apprends sur toi-même, tu te découvres au travers de l’autre, c’est riche au niveau personnel. Tu rencontres beaucoup de personnes différentes, différents niveaux sociaux, différents métiers, et ça t’enrichis, surtout à l’étranger, évidemment, ou il y a le côté linguistique qui vient renforcer cette richesse culturelle.

Quelle est ta définition de la consommation collaborative ?

Un partage de biens, de service ou de produit, avec une, un profit pour l’utilisateur, fournisseur de ce service, et un bénéfice économique pour celui qui le reçoit.

Quand as tu entendu parler pour la première fois du concept de « consommation collaborative » ?

C’était en 2010, quand j’ai rencontré, Antonin Leonard le cofondateur de ouishare.

Comment vois-tu le futur de la consommation collaborative, et comment penses-tu que cela va évoluer ?

Je pense que cela fait partie de l’économie de notre ère, elle ne va faire que se développer, créer des emplois, etc… Certes, d’autres emplois seront détruits du fait de cette évolution de l’économie, des emplois souvent industriels.

Reste à inventer les métiers de demain, faire des reconversions, pourquoi pas créer des services clients collaboratifs, utiliser tous ces nouveaux usages pour réinventer la manière dont on crée de la valeur.

Je pense que c’est une économie qui, de toute façon, va être amenée à se développer et elle a besoin de soutien politique et privé pour pouvoir accélérer.

Magali explique lors de la conférence Ouiinnove comment l’économie collaborative peut contribuer à la croissance mondiale (pour les anglophones, mais avec l’accent Montpelliérain quand même).

Penses-tu que cela va rester dans l’état actuel des choses ? D’un côté la consommation collaborative de l’autre les voies classiques et linéaires de consommation ?

Non, je pense que là, c’est déjà en train de se fusionner. Après, ça va forcément prendre du temps parce que l’économie classique a du mal à évoluer vers des choses plus innovantes.
Je pense que des passerelles vont se faire rapidement avec des entreprises, des grands groupes ont

déjà conscience que leur mode de fonctionnement, leur management doivent évoluer. Les mentalités ont tellement changé qu’ils sont obligés d’évoluer vers un modèle plus flexible. Surtout ils auront besoin de la consommation collaborative pour s’adapter aux usages.

Est-ce qu’il y a une initiative de consommation collaborative qui t’a séduite dernièrement ?

Je vais dire jestocke.com, dont la CEO est Laure Courty. J’aime bien cette fille, je trouve qu’elle a la tête vraiment sur les épaules et l’idée est simplement géniale. Optimiser la place dans son garage, sa cave, je trouve que c’est une superbe idée.

Quels sont vos projets futurs avec Bedycasa ?

On est en train de développer une superbe opération sur laquelle, on va être en partenariat avec des grands groupes, ça va s’appeler : le rendez-vous chez l’habitant.
C’est une opération qui va démarrer ce mois de juin, et qui va durer quatre mois et dont la finalité est de faire partir 12 personnes à l’étranger, dans 6 destinations différentes à travers le monde.
On lancera un casting chaque mois pour que deux personnes partent en voyage, le but est de certifier le réseau des familles d’accueil de Bedycasa, mais également promouvoir la destination, partager les aventures avec les internautes qui vont coproduire les programmes d’activités sur place, lancer des défis.

Les destinations, c’est Madrid et Rome pour l’Europe, Cuba, Panama City, Vancouver et New York.
Et les partenaires, c’est Air France, la Maif, Le Routard, et le site d’activité touristique Ceetiz.

Le mot de la fin ?

Rendez-vous chez l’habitant 🙂